Le Cameroun se positionne comme une économie émergente en Afrique centrale, et son marché du travail est souvent présenté comme un atout. Cependant, une analyse approfondie des chiffres clés révèle une réalité plus nuancée, avec des défis structurels qui entravent la pleine compétitivité du pays. Cet article décortique les indicateurs clés du marché du travail camerounais fournis par le Forum Economique mondial, en mettant en lumière les faiblesses et les opportunités réelles.

Les données du Forum Économique Mondial (2022) nous fournissent un aperçu précis, mais loin d’être idyllique, de la situation du marché du travail au Cameroun.

Sur chacun des éléments qui suivent, la performance de différentes composantes du marché du travail camerounais ont été évalués sur 100 :   

  • Système éducatif : Evaluation de la performance à transmettre les compétences qui suivent : 

    • Compétences numériques et technologiques : 49,2 %

    • Compétences d’innovation et de créativité : 44,2 %

    • Compétences de collaboration et d’autogestion : 44,4 %

    • Analyse critique : Ces chiffres, certes supérieurs à la moyenne régionale, pointent du doigt une défaillance majeure : la difficulté du système éducatif à former des profils adaptés aux besoins réels du marché. La moitié des compétences nécessaires font cruellement défaut. On est loin d’une main-d’œuvre prête à affronter les défis de l’économie numérique.

    • Il est crucial pour le pays de développer la culture numérique, les compétences interpersonnelles et la capacité de penser de manière critique et créative.

  • Efficacité du marché du travail : 

    • Efficacité de la gestion professionnelle : 47,2 %

    • Pratiques d’embauche et de licenciement : 48,5 %

    • Rémunération et productivité : 48,2 %

    • Analyse critique : Ces indicateurs médiocres témoignent d’une gestion des ressources humaines encore trop souvent basée sur des critères subjectifs et clientélistes, plutôt que sur la performance et la méritocratie. L’absence de transparence et de professionnalisme dans les pratiques d’embauche et de licenciement freine l’innovation et la compétitivité.

    • Un marché du travail qui fonctionne bien favorise la productivité en matchant les demandeurs aux emplois les plus adaptés à leurs compétences et développe les talents pour qu’ils atteignent leur plein potentiel.

  • Dynamisme entrepreneurial : 

    • Attitudes à l’égard du risque entrepreneurial : 43 %

    • Croissance des entreprises innovantes : 41,8 %

    • Volonté de déléguer des pouvoirs : 45,6 %

    • Entreprises adoptant des idées disruptives : 42,3 %

    • Analyse critique : Le Cameroun possède un terreau fertile pour l’entrepreneuriat, mais les obstacles sont nombreux : manque d’accès au financement, lourdeurs administratives, corruption… Le faible niveau de prise de risque et d’adoption d’idées disruptives témoigne d’un environnement peu propice à l’innovation.

    • Dans un environnement caractérisé par des perturbations fréquentes, les entreprises performantes résistent aux chocs et sont capables de se réinventer constamment en adoptant de nouvelles technologies et de nouvelles façons d’organiser le travail, grâce à une culture qui embrasse le changement.

  • Capacité d’innovation : 

    • Collaboration université-industrie en R&D : 47,1 %

    • État de développement du cluster : 43,4 %

    • Collaboration au sein d’une entreprise : 49,2 %

    • Collaboration entre entreprises : 42,1 %

    • Analyse critique : Ces chiffres alarmants révèlent une absence quasi-totale de synergie entre les différents acteurs de l’innovation. L’université est déconnectée des entreprises, les clusters peinent à se développer, et la collaboration, tant interne qu’externe, est embryonnaire. Dans ces conditions, il est illusoire d’espérer une véritable émergence d’une économie de l’innovation.

    • Une économie innovante qui offre de meilleures opportunités de collaboration ou interdisciplinaires, a tendance à avoir plus de capacité à générer des idées innovantes et de nouveaux modèles économiques, qui sont les moteurs de la croissance économique.

Conclusion : Une urgence à agir

Le marché du travail camerounais est à la croisée des chemins. Soit le Cameroun prend des mesures radicales pour réformer son système éducatif, lutter contre la corruption, améliorer ses infrastructures et encourager l’innovation, soit il risque de stagner, voire de régresser, face à la concurrence régionale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : il est temps de passer des discours aux actes.

Références :

Forum Économique Mondial. (2022). The Global Competitiveness Report 2022. Genève : Forum Économique Mondial.

Permanent Secretariat of the Competitiveness Committee. (2023). Following up of Cameroon’s competitive performances through the World Economic Forum’s indicators: Key productivity drivers. Yaoundé: Government of Cameroon.

Quelles sont, selon vous, les trois mesures les plus urgentes à prendre pour relancer le marché du travail au Cameroun ? Exprimez-vous dans les commentaires !