Un Impératif Stratégique pour l’Avenir du Cameroun

Dans un monde globalisé et de plus en plus concurrentiel, la capacité d’un pays à attirer, développer et retenir les talents est un avantage concurrentiel décisif. Le Cameroun, riche de son potentiel, doit transformer son capital humain en un véritable moteur de croissance.

Or, le récent rapport du Comité de Compétitivité souligne une réalité préoccupante : ces leviers essentiels sont encore trop souvent négligés.

Le diagnostic : une compétitivité des talents en-deçà du potentiel camerounais

Le « Rapport sur l’état de la compétitivité de l’économie camerounaise en 2023 » offre un éclairage précieux sur la situation du Cameroun. Bien que l’économie affiche une certaine résilience face aux chocs externes, son positionnement en matière de compétitivité des talents reste préoccupant. Le Cameroun se classe en effet au 118ème rang mondial sur 134, un résultat qui contraste avec ses ambitions de développement.

Chiffres Clés Révélateurs :

• Indice Global de Compétitivité des Talents (GTCI) : un score de 25.91/100, inférieur à la moyenne des pays d’Afrique subsaharienne ;

• Rétention des Talents : une performance particulièrement faible, classant le Cameroun au 125ème rang mondial ;

• Attractivité des Talents : le pays n’est pas une destination privilégiée pour les talents internationaux, se positionnant au 119ème rang ;

• Faiblesse des Indicateurs Clés : des scores inférieurs à la moyenne dans tous les piliers du GTCI, incluant les facilitateurs, le développement des compétences et les compétences de niveau élevé.

Ces chiffres traduisent des défis structurels profonds qui entravent le développement du capital humain camerounais.

Analyse des causes profondes : pourquoi les talents quittent-ils le Cameroun (ou n’y viennent pas) ?

Le rapport met en évidence plusieurs facteurs qui expliquent cette situation :

• Le « Brain Drain » : l’émigration des talents qualifiés prive le Cameroun de ressources humaines précieuses, affectant la productivité et l’innovation (Organisation Internationale du Travail, 2022), 23 000 professionnels qualifiés ont quitté le pays en 2020, soit 2.2% de la population active qualifiée (Organisation Internationale du Travail, 2022).

• Les manquements du système éducatif : des compétences inadéquates ou obsolètes, un manque d’adéquation entre la formation et les besoins du marché du travail freinent l’éclosion des talents ;

• Les opportunités limitées : peu d’offres d’emplois de qualité et décents sont disponibles, et les perspectives de carrière sont souvent limitées pour les jeunes diplômés ;

• Les obstacles à l’entrepreneuriat : un environnement des affaires peu favorable, un accès difficile au financement et des lourdeurs administratives découragent les initiatives entrepreneuriales ;

• Les défis liés à la qualité de vie : un coût de la vie élevé, un accès limité aux services de base et un manque de sécurité contribuent à rendre le Cameroun moins attractif.

Analyse Sectorielle : les secteurs les plus touchés par la pénurie de talents

Le rapport souligne que certains secteurs sont particulièrement touchés par ce manque de compétitivité des talents :

• Le secteur de la santé : pénurie de professionnels de la santé qualifiés, avec des conséquences directes sur la qualité des soins ;

• Le secteur des sciences et technologies : difficulté à attirer et retenir les chercheurs et les ingénieurs, ce qui freine son développement technologique ;

• Le secteur de la culture et du sport : le manque d’investissement et de reconnaissance pousse de nombreux talents à s’expatrier pour poursuivre leurs rêves.

Le coût économique de la fuite des talents : des conséquences négatives à long terme

Cette situation a des répercussions négatives sur l’économie camerounaise :

• Perte de Capital Humain : privation de compétences clés qui pourraient contribuer à la croissance économique et à l’innovation ;

• Manque à gagner fiscal : l’exode des talents qualifiés réduit les recettes fiscales et compromet la capacité du gouvernement à investir dans les services publics ;

• Frein à l’investissement étranger : le manque de main-d’œuvre qualifiée décourage les investisseurs étrangers, qui recherchent des environnements où ils peuvent trouver les compétences dont ils ont besoin.

Des recommandations pour agir : une stratégie globale pour attirer et retenir les talents

Le rapport propose une série de recommandations stratégiques pour inverser la tendance :

• Priorité à l’éducation et à la formation :

  • Moderniser les programmes scolaires pour les adapter aux besoins du marché du travail ;

  • Développer les compétences techniques et professionnelles ;

  • Encourager l’apprentissage tout au long de la vie.

• Amélioration de l’environnement des affaires :

  • Simplifier les procédures administratives ;

  • Lutter contre la corruption et améliorer la gouvernance ;

  • Faciliter l’accès au financement pour les entreprises ;

• Promotion d’une protection sociale universelle :

  • Garantir l’accès à la santé pour tous les citoyens ;

  • Mettre en place un système de retraite solide ;

  • Renforcer les dispositifs de protection sociale pour les plus vulnérables.

• Valorisation de la diaspora camerounaise :

  • Créer des mécanismes pour encourager le retour des talents expatriés ;

  • Faciliter les investissements de la diaspora dans l’économie camerounaise ;

  • Mettre en place des programmes de mentorat pour les jeunes entrepreneurs.

Les voix du terrain : ce que disent les chefs d’entreprises et les experts

Pour enrichir l’analyse, les opinions d’acteurs clés du monde économique camerounais ont été consultées.

• Célestin Tawamba, Président du GECAM : il sonne la sonnette d’alarme afin de « stopper l’hémorragie avant d’être saignés à blanc ». Lors de différentes interviews et interventions, il a insisté sur la nécessité de créer un environnement des affaires plus attractif et compétitif pour les talents (Jeune Afrique, 2024). Il a aussi mentionné la simplification des procédures administratives et l’accès au financement comme des points essentiels.

• Chefs d’entreprises Camerounais : de nombreux témoignages de chefs d’entreprise, recueillis lors de forums économiques, mettent en avant les difficultés à recruter du personnel qualifié et les enjeux liés à la motivation et à l’engagement des employés (CCI France Cameroun, 2024).

• Managers et Experts en Ressources Humaines : sur LinkedIn et lors de conférences RH, les experts soulignent l’importance d’adapter les politiques de rémunération et d’avantages sociaux, ainsi que de développer une culture d’entreprise positive et inclusive.

Conclusion : un appel urgent à l’action pour bâtir un avenir prospère

L’attractivité et la rétention des talents ne sont pas de simples indicateurs économiques ; ce sont des fondations sur lesquelles repose l’avenir du Cameroun. En adoptant une approche holistique, en mettant en œuvre des réformes ambitieuses et en écoutant les voix du terrain, le pays peut créer un environnement où les talents s’épanouissent, où l’innovation prospère et où la croissance économique est durable et inclusive. Il est temps de passer des paroles aux actes et de faire de la compétitivité des talents une priorité nationale.

 

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Références :

• Comité de Compétitivité. (2023). Rapport sur l’état de la compétitivité de l’économie camerounaise en 2023. Yaoundé, Cameroun.

• Organisation Internationale du Travail. (2022). «Fuite des cerveaux en Afrique: une perte de capital humain pour le continent».

• Jeune Afrique (2024). Interview avec Célestin Tawamba, Président du GECAM.

• CCI France Cameroun (2024). Compte-rendus des forums économiques. Douala, Cameroun.

 

Quelles sont, selon vous, les mesures les plus urgentes à prendre pour améliorer l’attractivité et la rétention des talents au Cameroun ? Comment les chefs d’entreprise et les institutions peuvent-ils collaborer pour créer un environnement plus propice à l’épanouissement des talents ? Partagez votre point de vue dans les commentaires !